| Au Grand Café, vous êtes entré par hasard
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| Tout ébloui par les lumières du boul’vard
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| Bien installé devant la grande table
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| Vous avez bu, quelle soif indomptable
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| De beaux visages fardés vous disaient bonsoir
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| Et la caissière se levait pour mieux vous voir
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| Vous étiez beau vous étiez bien coiffé
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| Vous avez fait beaucoup d’effet
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| Beaucoup d’effet au Grand Café
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| Comme on croyait que vous étiez voyageur
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| Vous avez dit des histoires d’un ton blagueur
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| Bien installé devant la grande table
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| On écoutait cet homme intarissable
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| Tous les garçons jonglaient avec Paris-Soir
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| Et la caissière pleurait au fond d’son tiroir
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| Elle vous aimait, elle les aurait griffés
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| Tous ces gueulards, ces assoiffés
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| Ces assoiffés du Grand Café
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| Par terre on avait mis d’la sciure de bois
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| Pour qu’les cracheurs crachassent comme il se doit
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| Bien installé devant la grande table
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| Vous invitiez des Ducs, des Connétables
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| Quand on vous présenta, soudain, l’addition
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| Vous avez déclaré: «Moi, j’ai pas un rond «Cette phrase-là produit un gros effet
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| On confisqua tous vos effets
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| Vous étiez fait au Grand Café
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| Depuis ce jour, depuis bientôt soixante ans
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| C’est vous l’chasseur, c’est vous l’commis de restaurant
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| Vous essuyez toujours la grande table
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| C’est pour payer cette soirée lamentable
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| Ah, vous eussiez mieux fait de rester ailleurs
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| Que d’entrer dans ce café plein d’manilleurs
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| Vous étiez beau, le temps vous a défait
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| Les mites commencent à vous bouffer
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| Au Grand Café, au Grand Café |