| OK, c’est là?
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| Voiture 17…
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| OK, j’me mets là…
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| J’laisse, derrière moi la capitale
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| Et dans deux heures et quart j’poserai un pied dans ma ville natale
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| À chaque fois, j’passe en coup de vent et j’pense déjà à la prochaine
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| Fois, où j’ferai tourner les éoliennes
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| Sur le côté, les pylônes défilent et battent la mesure
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| J'écris entre des lignes à haute tension et sur un ciel d’azur
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| J’laisse derrière moi les Abbesses et le 18ème
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| Et droit devant Naoned dans deux heures à peine
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| J'écris au dos d’un magazine, sur une pub de fringue
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| Mon Bic n’aime pas l’papier glacé et ça, ça me rend dingue
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| Le contrôleur m’interrompt en plein alexandrin
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| Il poinçonne et on reprend notre train-train
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| La place 56 rit, mais j’arrive pas à voir c’qu’elle lit
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| La place 42 parle mais j’arrive pas à entendre c’qu’elle dit
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| J’laisse derrière moi mon p’tit amour…
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| Et on est déjà à mi-parcours…
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| Il semble que les gens en train ne sont pas bien
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| Pas un sourire, pas un regard, pas un contact entre voisins
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| Une femme me dit: «Excusez-moi, j’crois que c’est ma place.»
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| La voiture est à moitié vide alors j’me lève
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| Et m’assois en face… de cette connasse
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| J’vois défiler un tas de maison
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| Et j’me dis qu’toutes les heures, un TGV traverse leur salon
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| On a le droit à une version synthé de Vivaldi tous les quarts d’heure
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| Car la place 70 ne connait pas le mode vibreur
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| J'écoute Mayra Andrade, sa langue a des accents d’Afrique
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| Et puis j’me dis qu’le Cap Vert, c’est pas très loin donc c’est plutôt logique
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| L’album s’achève et j’enchaîne avec Raul Midon
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| J’imagine le punk de la place 40 écoutant Nina Simone
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| La place 56 est absorbée dans sa lecture
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| Et j’me demande si on s’ennuie autant dans les autres voitures
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| J’me rappelle d’une fois où on a eu trois heures de retard
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| Ils avaient retrouvé la moto mais… jamais le motard
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| À la place 63 et 64 on est à deux doigts d’en venir aux mains
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| J’ai cru comprendre que monsieur laisse trainer ses poils dans la salle de bain
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| La place 62 a les yeux de quelqu’un qui n’a pas dormi
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| Tous les quarts d’heure, il ferme l'œil et l’ouvre au rythme de Vivaldi
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| J’aimerais qu’le mioche de la place 50 dorme aussi profondément
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| Que la place 63 qui ronfle comme un régiment
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| J’me dis que Grand Corps Malade a déjà écrit «Voyages en train «Du coup, j’ai l’impression de plagier, la métaphore et la béquille en moins…
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| Dans les wagons, des fois, on croise des stars…
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| Une fois j’ai vu Laurent Boyer à la gare…
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| Ouais mais, attends, Laurent Boyer c’est pas vraiment une star?
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| Il est plus, genre il interviewe des stars…
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| Mais, c’est les autres les stars, nan?
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| À la place 54, cette fois, c’est passé vite j’t’assure
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| Plus d’espace sur la quatrième de couverture
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| J’laisse derrière moi une vingtaine d’arrondissement
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| Et une voix saturée dit: «Terminus, tout le monde descend !» |