Letras Ça n'se voit pas du tout - Anne Sylvestre

Ça n'se voit pas du tout

Les enfants des chômeurs\nDes sans-abris, des RMistes\nReçoivent le meilleur\nDe ce qui passe sur nos listes\nCouverts de pied en cap\nDe vêtements des grandes marques\nFini le handicap\nEt bien malin qui les remarque\nCa gêne beaucoup moins\nEt quand ils se lavent les mains\nJe vous jure, on s’y tromperait\nOn dirait des enfants, des vrais\nÇa n’se voit pas du tout, pas du tout\nÇa n’se voit pas du tout\nCes gens dans le métro\nQui nous imposent leur musique\nOu ceux qui parlent trop\nEn recherchant le pathétique\nJamais vous ne croiriez\nQu’ils sont vraiment ce qu’ils prétendent\nIls sont bien habillés\nY en a qui sentent la lavande\nLeur faire la charité\nMoi, j’aurais peur de les vexer\nEntre nous, et bien franchement\nIls sont pauvres ou ils font semblant?\nMon épicier m’a dit\nQu’autrefois dans le voisinage\nIl y avait des taudis\nQui déparaient le paysage\nIl devait s’y passer\nLes choses que l’on imagine\nOn ne pouvait laisser\nProliférer cette vermine\nOn les a remplacés\nPar des immeubles policés\nCe qu’on a fait des habitants?\nIls sont relogés depuis longtemps\nQuand ma fille a fauté\nJ’ai failli la mettre à la porte\nMais j'étais révoltée\nA la seule idée qu’elle avorte\nIl y a des endroits\nOù on peut arranger les choses\nEt tout le monde croit\nQu’en ce moment elle se repose\nElle a eu son bébé\nIl était bien un peu foncé\nMais tout de même assez mignon\nÇa sera mieux pour l’adoption\nMon fils qui est très beau\nVa bien se décider, j’espère\nA reprendre le flambeau\nDe la famille et des affaires\nIl n’a pas l’air pressé\nDe rechercher le mariage\nJ’ai beau lui présenter\nDes jeunes filles de son âge\nIl n’y a que des garçons\nQui viennent le voir à la maison\nMais s’il avait des goûts pervers\nJe le saurais, je suis sa mère\nJe suis sollicitée\nPar les œuvres de la paroisse\nJe suis trop occupée\nPour éprouver la moindre angoisse\nJe me lève très tôt\nPour attraper la première messe\nPuis dans les hôpitaux\nJe vais secourir les détresses\nOui, j’aime mon prochain\nEt je m’applique à faire le bien\nCar j’ai un cœur très généreux\nMais j’ai l’impression, c’est curieux\nQu'ça n’se voit pas du tout, pas du tout\nQu'ça n’se voit pas du tout