| «Heureusement, j’n’ai pas d’enfant» se dit Yadna très souvent
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| «Ce serait encore plus dur, encore plus humiliant»
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| Et puis comment elle aurait fait avec un bébé comme paquetage?
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| Est-ce qu’il aurait survécu après tout c’voyage?
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| Yadna a fui les bombes, la guerre dans son pays
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| Elle sait qu’elle avait peur mais ne sait plus de quels ennemis
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| Entre les tirs de son président, des rebelles, de l’occident
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| De Daesh et des Kurdes, elle ne sait plus d’où vient l’vent
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| Elle ne sait plus d’où vient la poudre qui a rasé son village
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| Elle ne sait plus qui tire les balles qui ont éteint tous ces visages
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| Elle sait juste que l’Homme est fou et qu’c’est là-bas, en Syrie
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| Que s’est formé petit à p’tit l'épicentre de sa folie
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| Yadna pense à tout ça en s’approchant d’ma vitre
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| Moi, j’lui: «Non» avec la main et j’redémarre bien vite
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| J’avais p’t-être un peu d’monnaie mais j’suis pressé, faut qu’je bouge
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| J’me rappelle de son regard, j’ai croisé Yadna au feu rouge
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| Après trois mois d’périple dans toutes sortes d’embarcations
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| Elle a souvent cru qu’la mort serait la seule destination
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| Comme lors de cette nuit noire au milieu d’la mer Égée
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| Dépassée par les vagues sur un bateau bien trop léger
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| Entre les centres de rétention et les passeurs les plus cruels
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| Yadna a perdu d’vue tous ceux qui avaient fui avec elle
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| Elle s’est retrouvée seule avec la peur, le ventre vide
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| Et des inconnus aussi perdus qu’elle comme seuls guides
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| Marchant pendant des semaines puis payant à des vautours
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| Le droit d’se cacher à l’arrière des camions sans voir le jour
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| Après ces mois d’enfer, elle passe ses nuits sur un carton
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| Son Eldorado se situe Porte de la Chapelle, sous un pont
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| Yana pense à tout ça en s’approchant d’ma vitre
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| Moi, j’lui: «Non» avec la main et j’redémarre bien vite
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| J’avais p’t-être un peu d’monnaie mais j’suis pressé, faut qu’je bouge
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| J’me rappelle de son regard, j’ai croisé Yadna au feu rouge
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| Dans ses nuits, les cauchemars d’expulsion sont réguliers
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| Elle attend d’obtenir le statut d’réfugiée
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| Elle mendie au feu rouge avec la détresse comme baîllon
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| Elle se renseigne sur ses droits, petite princesse en haillon
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| Elle imagine parfois sa vie d'étudiante dans son pays
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| Si la justice avait des yeux, si la paix régnait en Syrie
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| Elle sourit même parfois, quand elle trouve la force d’y penser
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| Elle rêve en syrien mais, là, elle pleure en français
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| J’aperçois Yadna rapidement lorsque l’feu passe au vert
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| J’ai un p’tit pincement au cœur, mais j’suis en retard et j’accélère
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| Les plus grands drames sont sous nos yeux mais on est pressé, faut qu’on bouge
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| Y’a des humains derrière les regards; |
| j’ai croisé Yadna au feu rouge |